Le système impérial (1811-1824)[]
- C'est sous le Ier Empire qu'est établi officiellement le tout premier système de numérotation des routes appartenant à l’Etat. A l’époque où ce système a été conçu, l’Empire Français s’étendait grâce aux conquêtes de Napoléon jusqu’en Belgique et aux Pays-Bas et comprenait aussi une partie de l’Italie. En 1811, il comprenait 130 départements. Le système de numérotation a été donc réalisé en fonction de ce vaste territoire et comprenait des axes aujourd’hui situés à l’étranger.
Extraits du décret impérial du 16 décembre 1811 |
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Décret Impérial contenant Règlement sur la construction, la réparation et l'entretien des Routes.
Au palais des Tuileries, le 16 Décembre 1811. NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération Suisse, &c. &c. &c. Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur ; Notre Conseil d'état entendu, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit : TITRE I.er Classification des Routes. Art. 1.er Toutes les routes de notre Empire sont divisées en routes impériales et routes départementales. 2. Les routes impériales sont de trois classes, conformément aux tableaux I, II et III, joints au présent décret. 3. Les routes départementales sont toutes les grandes routes non comprises auxdits tableaux, et connues jusqu'à ce jour sous la dénomination de routes de troisième classe. 4. Toutes les fois qu'une route nouvelle sera ouverte, le décret qui en ordonnera la construction, indiquera la classe à laquelle elle appartiendra ; et il sera pourvu aux frais de son exécution et de son entretien, suivant les distinctions établies ci-après. TITRE II. Des Dépenses des Routes. 5. Les routes impériales de première et seconde classe seront entièrement construites, reconstruites et entretenues aux frais de notre trésor impérial. 6. Les frais de construction, de reconstruction et d'entretien des routes impériales de troisième classe seront supportés concurremment par notre trésor et par les départemens qu'elles traverseront. 7. La construction, la 'reconstruction et l'entretien des routes départementales demeurent à la charge des départemens, arrondissemens et communes qui seront reconnus participer plus particulièrement à leur usage. TITRE III. De la manière de pourvoir à l'Entretien des Routes impériales. 8. Le fonds ordinaire que fournit annuellement notre trésor pour les routes, sera, pour chaque année de vingt millions, lesquels seront répartis ainsi qu'il suit : 1.° Pour, l'entretien des routes de première classe, huit millions ; 2.° Pour l'entretien des routes de deuxième classe, six millions ; 3.° Enfin, pour la part à supporter par le trésor dans l'entretien des routes de troisième classe, six millions. 9. Notre ministre de l'intérieur fera connaître chaque année, aux conseils généraux de département, la somme pour laquelle chacun d'eux aura été compris dans la répartition qu'il aura faite des six millions portés au dernier paragraphe de l'article précédent, et celle qui serait nécessaire dans chaque département pour le complément de l'entretien de ses routes de troisième classe, afin que les conseils généraux puissent voter tout ou partie dudit complément, aux termes de l'article 6 du présent décret. 10. Les routes de première et de deuxième classe n'étant pas encore toutes parvenues à l'état d'entretien, la portion des sommes indiquées à l'article 8 qui, chaque année, ne sera point employée audit entretien, sera affectée à la construction des lacunes, ou aux réparations extraordinaires des parties dégradées desdites routes. TITRE IV. Des Moyens de pourvoir aux Réparations extraordinaires et à la Confection des lacunes ou parties de Routes impériales à ouvrir ou à terminer. 11. Indépendamment des routes pour la construction desquelles il est accordé des fonds spéciaux, les constructions et reconstructions de routes impériales seront faites au moyen d'une somme annuelle de cinq millions, fournie sur les fonds du trésor, additionnellement aux sommes qui seront affectées à ces constructions et reconstructions, conformément à l'article 10 du présent décret. 12. Ces fonds seront appliqués de préférence à nos routes impériales de première classe, et ensuite à celles de seconde, jusqu'à ce qu'elles soient toutes portées à l'état de simple entretien. |
- Il a existé plusieurs projets différents de numérotation des routes impériales. Celui qui a été retenu dessine la physionomie que l’on perçoit encore de nos jours avec de grands axes radiaux centrés sur Paris et plusieurs transversales. Comme sous le système issu de la Révolution, les axes sont désignés par un point de départ et un point d'arrivée qui inclut parfois des troncs communs.

Détail de la borne impériale de Saint-Vit (25). Il est marqué "(Route impériale) 91 de Moulins à Bâle" et elle porte la fleur de lys des Routes Royales.
(c) Lloyd_cf
- La répartition des routes en classes s'inspire directement du système élaboré aux débuts de la République :
- Les numéros 1 à 14 correspondaient aux quatorze routes impériales de 1ère classe reliant Paris aux grands ports militaires ou aux grandes villes faisant alors partie de l’Empire. Elles sont numérotées dans le sens des aiguilles d’une montre au départ de Paris. Le n°1 est attribué à la Route de Paris à Calais en raison de son importance stratégique, mais aussi en raison de son orientation située approximativement vers le Nord, direction traditionnellement considérée par les géographes comme origine.
- Les numéros 15 à 27 correspondaient aux treize routes impériales de 2nde classe reliant Paris aux autres ports militaires et aux villes de province de moindre importance. Elles étaient numérotées à la suite des quatorze premières routes, toujours dans le sens des aiguilles d’une montre pour former une seconde boucle autour de la capitale.
- A partir du numéro 28 étaient numérotées les routes de 3ème classe. Même si quelques-unes d’entre elles sont au départ de Paris, elles correspondent en quasi-totalité à des transversales de province, reliant des villes importantes ou stratégiques. Les numéros sont attribués par grandes zones géographiques et le principe de la numérotation en étoile se retrouve au départ de certaines villes (Rouen, Bruxelles, Metz, Lyon, Rome), mais il se fait tantôt dans le sens des aiguilles d’une montre, tantôt en sens inverse (par exemple pour Bordeaux). La progression générale de la numérotation s'effectue dans le territoire impérial tout d’abord dans les provinces du Nord et de la Belgique, puis s’infléchit dans les provinces de l’Est avant de passer au Sud-Est. On termine par les régions de l’Ouest, toujours en progressant dans le sens des aiguilles d’une montre vers le Nord, jusqu’au numéro 200. Les numéros 201 à 229, dernier numéro connu, sont réservés aux routes situées aux confins de l’Empire, aux Pays-Bas et en Italie.
- Les routes non classées, dites parfois de 4ème classe, forment les routes départementales. Leur nomenclature sera établie à l'échelle de l'Empire par le décret du 7 janvier 1813.
- Les troncs communs à plusieurs routes étaient systématiquement rattachés à celle portant le numéro le plus bas. Ainsi il ne s’est pas développé en France de procédé de numérotation double ou multiple, comme l’on a dans certains pays. D'autre part, plusieurs embranchements sont mentionnés dans cette nomenclature qui prendront ultérieurement des numéros "Bis".
- En instaurant ce système, Napoléon réalise une œuvre de classement durable qui aura traversé les siècles. A plus court terme, il réalise une économie budgétaire non-négligeable car derrière le décret de 1811 se cache l'épineuse question de la propriété et du financement des routes. L'État reste le propriétaire de l'emprise des routes classées (impériales ou départementales) mais à mesure que l'importance de la route décroît, les financements publics pour sa construction et son entretien diminuent. De ce point de vue, la création d'une 4ème classe (en 1797, il n'y en avait que trois) est révélatrice de la politique générale d'un Empire en guerre et à la recherche d'économies pour assurer sa domination sur l'Europe.